En résumé
- Pour assurer le succès de ses placements, une préparation rigoureuse et une bonne compréhension des entreprises et de leurs facteurs fondamentaux de rendement sont indispensables.
- Les biais cognitifs, comme le biais de confirmation, l’effet de meute, l’aversion pour les pertes et le biais d’ancrage, peuvent aveugler les investisseurs, ce qui a une incidence sur leurs processus décisionnels et peut entraîner des erreurs de jugement au sujet des corrélations entre les actifs et des signaux du marché.
- Les placements en actions et en obligations portent sur les mêmes actifs sous-jacents d’une société, et il est essentiel de comprendre leur relation et leurs corrélations potentielles. Les investisseurs préparés doivent reconnaître ces liens et détecter les potentiels angles morts, en effectuant des tests de résistance complets et en tirant parti d’une collaboration multidisciplinaire afin de composer avec les incertitudes du marché.
Investir est difficile, mais, au fil du temps, d’excellents investisseurs ont montré qu’il existe des moyens de réussir. Les universitaires et les partisans des placements passifs considèrent peut-être que leur rendement supérieur relève de la chance, mais, comme disait le célèbre scientifique Louis Pasteur : « le hasard ne favorise que les esprits préparés ».
Du point de vue des placements, la préparation consiste à bien comprendre les entreprises et leurs facteurs fondamentaux de rendement. Ce travail préparatoire implique l’accumulation de données historiques sur tous les aspects de l’entreprise et de son secteur, comme l’élasticité des prix de ses produits dans divers scénarios économiques, le mode et le lieu de fabrication des produits, les risques liés aux coûts qui y sont associés. Il convient aussi de mettre le bilan à l’épreuve des pires scénarios. Cette préparation atteint son apogée avec la formulation d’hypothèses sur les différentes évolutions possibles des flux de trésorerie au fil du temps, qui sont ensuite comparées à ce que les marchés boursiers et des titres de créance anticipent.
Toutefois, l’histoire montre que c’est souvent ce dont les investisseurs ne tiennent jamais compte qui vient contredire les attentes les plus réfléchies pour l’avenir. Chercher à savoir ce qu’on ne sait pas est déjà difficile, et la tâche se complique lorsque des biais cognitifs nous empêchent de voir certains aspects.
Dans le domaine des placements, les biais les plus répandus sont le biais de confirmation, l’effet de meute et l’aversion pour les pertes. Toutefois, le biais d’ancrage, c’est-à-dire la tendance à accorder trop d’importance aux données précoces lors de l’évaluation des décisions futures, pourrait bientôt concerner les détenteurs de titres de créance de sociétés et leurs attentes pour l’avenir.
Des droits sur le même actif
Les investisseurs considèrent que les actions et les obligations de sociétés sont très différentes, car leurs rendements sont différents, ce qui est logique. Les actions sont des titres de propriété et, à ce titre, leur valeur est déterminée par l’estimation que les investisseurs font de la valeur actuelle des bénéfices futurs, plus la valeur de liquidation des actifs corporels et incorporels. Les obligations sont des contrats au titre desquels des capitaux ont été prêtés en contrepartie d’une promesse de rendement à une date donnée, d’une série de paiements d’intérêts déterminés et de droits de remboursement prioritaires par rapport aux porteurs d’actions en cas d’issue financière défavorable pour l’entreprise.
J’ai toujours aimé considérer les actions comme des options d’achat sur les actifs et le rendement potentiel du capital d’une entreprise, et les obligations comme la vente d’une option de vente sur ces actifs aux porteurs d’actions. Bien que les prix d’exercice soient différents et influencés par de nombreux facteurs, comme le délai d’expiration, ils sont déterminés en fonction des mêmes éléments de base : volatilité ou niveau de risque de l’entreprise, passifs à court et à long terme, compétences opérationnelles et financières de l’équipe de direction, propriété intellectuelle, actifs corporels, etc.
Le biais d’ancrage à l’œuvre
Le choc inflationniste de 2022 a entraîné un important pic de corrélation entre les actions et les obligations. Depuis, j’ai lu et entendu des arguments selon lesquels cette relation allait « revenir à la normale ». Mais qu’entend-on par là? Comme les actions et les obligations sont des droits contractuels sur le même actif, elles doivent être positivement corrélées au fil du temps (et le sont). Bien que ces corrélations soient faibles et offrent une diversification à long terme, elles ne sont pas négatives, malgré ce que de nombreux acteurs continuent de prétendre et d’attendre.
Le cycle d’assouplissement quantitatif des années 2010 a certes entraîné des rendements anormaux pour les actions et les obligations de sociétés, mais il a également faussé les tendances normales des prix et a produit une corrélation négative entre ces catégories d’actif. L’expérience des répartiteurs d’actifs novices au cours de cette période a pu les amener à croire qu’il s’agissait d’une relation née d’un creux artificiel des taux d’intérêt jamais vu en 5 000 ans.
Cependant, ce qui est plus important encore, c’est de comprendre que ce biais d’ancrage a peut-être créé un angle mort qui empêche les investisseurs en obligations de sociétés de percevoir le signal venant des actions.
L’augmentation de la volatilité des actions annonce souvent un élargissement des écarts de taux
Étant donné que les titres de créance et les actions sont des droits sur le même actif, nous ne devrions pas être surpris de constater une relation positive entre l’indice VIX, à savoir la mesure la plus suivie de la volatilité des actions américaines, et les écarts de taux des obligations américaines de catégorie investissement (figure 1).